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God save me
22 juillet 2008

Freedom is a dirty prostitute.

Quelque chose...

Un air de musique circulait entre les murs de la prison de la ville.

Lent.

Chaste.

Ses notes répétées et reposées se balançaient sur l’immobilité de la peinture écaillée d’un blanc crème, rebondissant dans les couloirs et glissant sur le sol comme un serpent fatigué.

Seul un jeune homme entendait cette mélodie, et seul lui la connaissait. Les murs de cette prison reflétaient les méandres de son cerveau endolori par l’immobilité et le silence environnant… cette musique qu’il composait depuis l’adolescence armé d’un acharnement sans mercie. Un jour il serait assit sur son banc de velours pourpre, devant ce grand corps creux au bois noir verni, et ses doigts feraient jouir ce clavier monotone et sensuel. Toute ses émotions danseraient sur cet écran géométrique et symétrique avec lenteur et appui, comme une valse exercée par deux anciens amants mélancoliques.

Un jeune corps était assit sur le bord d’un lit décharné et spartiate. Ses mains immobiles crispées sur ses genoux jouaient cette mélodie silencieuse et inachevée, ses yeux fermés dégustaient avec passion ce clavier imaginaire un peu poussiéreux. Ses pieds aussi jouaient dans ses ballerines blanches, ces chaussons qu’on lui avait donné à son entrée il y avait de cela six longues années. Tout son corps vivait cette musique inaudible avec cette ardeur qui ne l’avait pas quitté, bien cachée au fond de lui.
On lui avait volé son amour.

Sa musique.

Sa liberté.

Voilà six ans qu’il se traînait dans cette petite cellule exiguë et dans ces couloirs où seuls les pas des gardiens se faisaient entendre. De jour comme de nuit, leurs lourdes chaussures faisaient résonner les échos de leur dures semelles noires sur les barreaux et les portes des couloirs. Et de jours comme de nuit, le jeune blond gardait son silence impénétrable tout comme son regard que l’on qualifiait d’assassin. On disait que ses yeux reflétaient son âme de tueur sans pitié ni raison. Mais que savaient ils de l’âme du japonais ? Savaient il que ces meurtres n’étaient rien d’autre que la pure vengeance d’un jeune orphelin ? Bien sûr que non. Dans sa cellule, les avocats avaient défilés.

Neutres.

Agacés.

Aucun n’avait put soutirer ne serait ce qu’un seul mot du blond qui comme toujours, jouait son rôle de vieil autiste sourd et muet pour avoir la paix. Il savait que Meï payait ses avocats une fortune, il savait aussi qu’un fils attendait chaque soir que son père vienne l’embrasser, un fils de 7 ans qui déjà, envoyait de longues lettres à son père emprisonné pour lui dire que même s’il n’avait pas été sage dans son enfance, il n’en restait pas moins son père dont il aimait le parfum et la barbe naissante les dimanches matins, que même si ses mains étaient souillées, elles restaient toujours les mains qu’il imaginait lui faire faire l’avion au dessus de sa tête. Il racontait aussi que sa mère pleurait, mais qu’en tant que seul homme de la maison il s’occupait bien d’elle, qu’il lui amenait toujours d’excellentes notes, parce qu’il voulait ressembler au corps blond qui stoïque pour ne se faire voler aucune émotion entre ses barreaux, lisait ces grandes lettres d’une main tremblante.
Oui Takumi avait été un élève modèle. Il gagnait les concours littéraires et artistiques, ne séchait jamais les cours s’il n’avait pas de bonne raison, était toujours nommé délégué par la classe entière pour sa responsabilité et son sérieux. Il était comme ça avant. Il était beau aussi. Ses cheveux courts et blonds plaisaient à toutes les filles qui venaient en groupe pour lui demander le numéro du portable qu’il n’avait pas. Les garçons rougissaient lorsqu’ils lui demandaient un service… Et Takumi fidèle à lui même s’exécutait avec sérieux et diplomatie.

C’était avant.

Maintenant, ses cheveux étaient longs, son corps se plaisait à montrer son manque d’assiduité aux repas… et ses yeux… ces mirettes étoilées qui faisaient chavirer ses amants n’étaient plus que deux prunelles souillées et vides de toute émotion. Ses mains avaient perdu de leur agilité, sa souplesse seule était restée. Son corps avait gardé son élasticité à toute épreuve. Peut être les coups des gardiens enragés de parler au silence lui avaient été bénéfiques… qui sait si le mal n’était pas bien au final.
L’individu que l’on nommait entre les murs et dans les médias « l’Ange au silence » se leva dans un soupire, faisant craquer ses genoux et sa colonne endoloris par l’immobilité la plus statuaire. La porte venait de s’ouvrir sur trois gardiens armés. Comme le voulait le rituel, il tendit ses poignées autour desquels on glissa deux beaux bracelets argentés et on fit de même avec ses chevilles osseuses et grinçantes avant de le mener jusqu’au couloir à petits pas cliquetants. On disait qu’il était inoffensif et calme, mais on savait qu’au fond de lui bouillonnait la rage. On le savait claustrophobe et enfermé dans une cellule minuscule. On savait qu’il manquait de nicotine et de café.

De musique et de lecture…

Aussi tout le monde derrière les grilles ne chantaient pas de chansons vulgaires derrière leur barreaux. Personne ne jouait à l’animal sauvage sur son passage, de peur que le blond à la patience légendaire ne s’énerve… comme ce qui était déjà arrivé une fois au tout début de son incarcération alors qu’il allait être victime d’abus sexuels par son colocataire bien plus grand et robuste que l’enfant qu’il était à l’époque.
Bien qu’il ait changé de pièce, les notes de piano le suivaient entre ses deux oreilles, seule compagnie dans cette jungle mortuaire.

sans_t38

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Commentaires
I
Géniale, comme toujours c'est un délice de te lire et on en redemande encore ;)
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