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God save me
22 août 2008

Stupeur et tremblements.

narcys12

 Dehors, la nuit n’était pas totalement tombée, et les derniers rayons d’Hélios anéantissaient cette journée durement remplie à grands coups de thés sur les terrasses de Londres, et de siestes prolongées aux côtés d’un félin câlin entre les tentures de velours. Une pipe entre les dents et les mains dans les poches, Dorian marchait le long des quais de la Tamise d’un pas relativement tranquille. Non pas qu’il soit fatigué de n’avoir rien fait aujourd’hui, il était même en forme pour démarrer cette longue nuit d’ivresse à bord de son second domicile, mais il aimait profiter de ces moments de solitude avant de se plonger dans l’ambiance embrumée et charnelle de son gagne pain quotidien.

 Une longue inspiration suivit un soupire d’aise. L’air était frais sans donner le moindre frisson et amovible par sa brise légère qui faisait danser les mèches rousses échappées de son chignon encore humide de son bain. Il n’y avait aucune verdure dans ce coin, mais c’était comme si : l’atmosphère était aussi agréable qu’en forêt après une grosse pluie. En parlant de pluie… le ciel était peut être jaune de soleil au dessus de Londres, mais les nuages noirs qui stagnaient à l’Est ne prévoyaient rien de bon pour les pauvres filles de joies qui travailleraient dehors ce soir… Heureusement, lui n’avait jamais été obligé de sortir de la péniche, étant une des rares créature présentant des attributs masculins et plaisant infiniment au client, il était traité en roi dans l’enceinte de l’embarcation et bénéficiait de la tendresse de ses collègues féminines qui voyaient en lui une sorte de poupée à coiffer capable de garder les secrets.

 Posant un pied sur le ponton qui reliait la péniche à la terre ferme, il retourna sa pipe et frappa cette dernière contre la bite d’amarrage pour l’en vider de son tabac souillé et la ranger dans la doublure de sa cape de velours vert. Cette dernière lui avait été offerte par une cliente il y avait de cela une bonne semaine. Une vieille fille grasse comme un choux qui avait loué ses talents d’orateur lors d’un repas entre membres d’une communauté dont il ne se souvenait plus du nom. A vrai dire cette soirée avait été fructueuse, puisqu’au milieu d’une ribambelle de vieilles nymphes, il avait joué le gentil animal de compagnie ronronnant, la tête renversée sur les genoux de sa « maîtresse » à gober diverses pâtisseries qu’elle lui donnait elle même du bout des doigts. Cette cape avait été un extra pour avoir terminé la soirée au violon à chanter les contes populaires Irlandais.

 Posant son deuxième pied sur le ponton pour se mettre en route vers la terrasse ouverte de l’embarcation, il ne put s’empêcher de bailler avec autant de force qu’un lion à l’idée d’écouter les pimbêches lui raconter leurs histoires de cœur avec des clients. Certes il s’en fichait royalement… mais parfois à écouter des bêtises, on pouvait récolter de petites graines à collectionner afin de faire germer la pousse de l’arbre de la vengeance. D’autant plus que cet homme rencontré l’autre soir pouvait certainement lui apporter une aide assez conséquente pour arriver à ses fins. Celui ci n’avait pas l’air extrêmement motivé, mais s’il se liait professionnellement avec lui, il aurait plus d’informations et plus rapidement.

Une main caressant la rambarde de bois, il s’enfonçait dans les profondeurs du navire, bientôt kidnappé par les sirènes qui elles, étaient déjà prêtes à recevoir leurs marins.

« T’es en retard ma belle ! »

La belle rousse en question lui adressa un signe de la main pour lui dire qu’il gérait la situation et suivit le couloir pour aller tout au fond dans la chambre de la perle de Velvet : sa chambre attitrée.

Le linteau ne refermait aucune porte, aussi se mit il nu sous les yeux de ses collègues qui s’empressèrent de venir s’assoire sur sa couche propre pour lui faire la causette et lui raconter les derniers potins de Londres, y compris ce qu’on jouait en ce moment au théâtre. Muet, il écoutait comme un bon élève tout en glissant ses bras dans une sorte de peignoir en satin qu’il laissait bailler sur son torse. Avec attention, il s’assit devant sa coiffeuse de bois noir couverte de bijoux et d’autres petits objets plaisants comme des rubans, des plumes ou des éventails qu’il avait collecté dans sa carrière de papillon de nuit. Il détacha ses cheveux et laissa libre choix à ses collègues de le coiffer. En séchant, ses mèches s’étaient métamorphosées en lourdes boucles douces et aériennes qui tombaient sur ses épaules avec une élégance naturelle (qui faisait des jalouses) et qui n’étaient que le résultat de beaucoup d’attention.

 Quelques heures passèrent assez rapidement avant que les douze coups de minuit retentissent dans le couloir des rues et ricochent sur la surface de la Tamise avant d’influer sur la main de l’hôtesse qui ouvrit enfin la chaînette afin de laisser libre passage aux invités nocturnes.

Minuit sonnait, et le Velvet Black ouvrait ses portes.

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